Collectif Citoyen de Défense de l'Ecole Publique du Pays de Dinan

27 décembre 2008

Philippe Meirieu

Lettre ouverte à Xavier Darcos,

Ministre de l'Education nationale

 

 

Philippe Meirieu a soutenu une thèse d'Etat es Lettres et Sciences humaines en 1983 et est aujourd'hui professeur des universités en sciences de l'éducation à Lyon. Il est un des pédagogues les plus reconnus à l'heure actuelle.

 

Une vidéo pour en savoir plus sur sa critique des réformes de l'Education Nationale cliquez ici

 

 

Monsieur le Ministre,

 

J'ai déjà dit, à plusieurs reprises, à quel point j'estimais le professeur,

l'humaniste, le lettré et le grand connaisseur de l'Éducation nationale que vous êtes.

Pour autant, je n'ai jamais caché mes profonds désaccords avec vous. Nous

croyons, en effet, l'un et l'autre, que l'avenir de la démocratie dépend de notre

capacité à ne pas traiter nos adversaires en ennemis et à tenter de dépasser

ensemble, autant que possible, nos inévitables différends pour esquisser un peu de

« bien commun »… Or, aujourd'hui, Monsieur le Ministre, je suis vraiment très

inquiet. L'Éducation nationale me semble gravement ébranlée : l'ampleur du désarroi

des uns et la violence de la colère des autres me paraissent très largement inédites

et infiniment préoccupantes.

 

Tout a été dit, depuis plusieurs mois, sur les dangers que faisaient courir à

notre système éducatif les réductions budgétaires et les suppressions de postes déjà

effectuées ou à venir. J'imagine, d'ailleurs, que vous en êtes parfaitement conscient

et que vous auriez préféré bénéficier d'arbitrages plus favorables de Bercy en faveur

de votre ministère. Reste que vous êtes membre d'un gouvernement qui fait de laréduction de la fonction publique une de ses priorités. À ce titre, vous participez

d'une politique qui est, à mes yeux, infiniment dangereuse.

 

Cette politique est dangereuse, parce qu'elle sacrifie l'avenir de notre pays à

des équilibres financiers à court terme dont on a vu, avec la crise récente et l'octroipar l'État de plusieurs milliards d'euros de garantie aux systèmes financiers, à quel

point ils n'étaient qu'un prétexte.

 

Elle est dangereuse aussi, parce qu'elle ne calcule jamais les coûts sociaux, à

moyen et long termes, de ses choix : coût de l'échec scolaire et de la désespérance

de jeunes qui y sont assignés à résidence, coût des conflits et des gaspillages

provoqués par la concurrence attisée entre l'État et les collectivités territoriales, entre

les parents et l'école, entre les établissements et, peut-être bientôt, entre les

enseignants eux-mêmes courant après les petits avantages que vous accordez aux

uns et refusez aux autres… Là est, d'ailleurs, la véritable illusion du libéralisme : il

prétend baisser les coûts et augmenter la qualité en lâchant la bride à la

concurrence. On a vu ce que cela donnait dans le domaine économique et nous

n'avons pas fini d'en payer le prix ! En matière scolaire, nous aurons le même

 

Philippe Meirieu

 

Lettre ouverte à Xavier Darcos, ministre de l'Éducation nationale

 

27 décembre 2008

http://www.meirieu.com



29/04/2009
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